FT-CI

Manuel Georget, un ancien salarié de l’usine Philips EGP-Dreux...

« Notre force, c’est si on réussit ã unir les travailleurs, quelle que soit leur nationalité ! »

22/05/2012

Propos recueillis par Laura Varlet

Tu veux peut-être d’abord te présenter avant qu’on ne rentre dans le vif du sujet ?

Je m’appelle Manuel Georget. Je suis un ancien salarié de l’usine Philips EGP-Dreux où j’ai été délégué CGT pendant très longtemps, jusqu’à ce que le site ferme. J’ai aussi été militant à la LCR et j’ai rejoint comme le reste des camarades le NPA, où je milite aujourd’hui. J’ai soutenu la campagne de Philippe Poutou dans l’élection présidentielle 2012 et je suis maintenant candidat sur la quatrième circonscription d’Eure-et-Loir, ã Châteaudun.

En tant que travailleur, mais aussi en tant que militant révolutionnaire, quel est ton avis par rapport au nouveau gouvernement Hollande ? Tu as connu l’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981 et je crois que tu avais un mot ã dire par rapport au nouveau gouvernement PS…

Je crois que même si la situation a changé par rapport aux années Mitterrand, maintenant c’est pire parce qu’il y a une crise économique profonde. Mais il y a quand même une certaine similitude. Je dis ça parce qu’on entend parfois qu’il faut donner du temps ã ce gouvernement Hollande, soi-disant pour relancer la croissance, mais je crois qu’il veut du temps pour mieux appliquer les plans de rigueur. Donc s’il y a une croissance, ça va être sur le dos des travailleurs, en nous imposant la rigueur et l’austérité. Ça va être un coup dur encore pour nous. Cette crise sans précédent, elle implique pour le Médef une attaque frontale pour toute la population et les travailleurs. Je pense qu’aujourd’hui il ne faut pas donner de répit ã ce gouvernement, pour ne pas répéter les erreurs qui ont été commises dans les années 1980. Quand François Mitterrand est arrivé au pouvoir, il n’y avait pas une opposition réelle, préparée, pour affronter les attaques, qui ont notamment commencé ã pleuvoir ã partir de 1983. Donc aujourd’hui, je pense qu’il faut construire cette opposition réelle dès maintenant, avec les travailleurs, sur les lieux de travail, dans les luttes. Tout cela quitte ã se mettre ã mal avec les directions des organisations syndicales qui me semblent vouloir mener une politique modérée face aux attaques et aux plans d’austérité que la gauche va nous imposer. Donc je pense qu’il faut construire une opposition très forte et dès maintenant pour donner une conscience aux travailleurs et pour préparer les combats ã venir.

Dieudonné sera candidat dans le département d’Eure-et-Loir… c’est quoi ta réaction par rapport ã ça ?

Je suis candidat sur la quatrième circonscription, c’est un nouveau défi que je me lance, dans une circonscription d’Eure-et-Loir où je n’ai jamais eu l’occasion de poser ma candidature. Auparavant je me présentais dans la seconde circonscription, celle de Dreux, et c’est là où Dieudonné a posé sa candidature. Je pense que Dieudonné se fait surtout une bonne pub médiatique. Aujourd’hui je pense qu’avec la situation qui nous attend ce n’est pas une pub médiatique qu’on doit essayer de combattre. Notre ennemi principal, c’est l’Etat et sa politique bourgeoise. Dans le département, il y aussi un Front National assez fort, qui est là depuis 1981, et qui continue ã faire des voix avec sa politique démagogue. Les frontistes essaient de faire croire aux travailleurs que c’est eux sont la seule alternative pour sauver la classe ouvrière de cette crise, en désignant des boucs-émissaires, les étrangers, les immigrés, les enfants d’immigrés. C’est ça le plus gros mensonge. Je crois que Dieudonné apportera peut-être une couverture médiatique dans la seconde circonscription, mais on a assez de clowns de service dans la politique pour qu’il y en ait un supplémentaire

Justement, et comme d’habitude le FN fait de bons scores dans ton département, je voulais te demander quel est le message que tu veux porter en tant que militant ouvrier révolutionnaire par rapport aux idées de l’extrême-droite et du Front National ?

D’abord je voudrais dire que cette campagne me semble acquise à l’UMP sur le département, parce que depuis des années, sur le paysage politique, c’est un département très ã droite. On l’a vu aux élections présidentielles où Sarkozy est arrivé en tête au second tour, et aussi avec une extrême-droite fascisante qui reste toujours stable avec plus de 20%. Donc nous, on a un défi ã relever dans cette campagne, c’est celui d’être le porte-parole de notre classe pour dénoncer toutes les attaques de la bourgeoisie contre les travailleurs et la population. Il est évident que ce sont eux les patrons et la bourgeoisie les responsables de la crise mais leur message est de nous dire clairement qu’ils veulent que ça soit nous, les travailleurs, ã en payer les frais. Il faut donc mener ce combat là , et ma candidature va porter la-dessus, pour dénoncer toutes ces attaques portées par la bourgeoisie contre la classe ouvrière et dire que c’est ã eux de payer cette crise qui est la leur.

Quant au FN, ce n’est bien évidemment pas l’allié des travailleurs, ça ne l’a jamais été, c’est notre ennemi. Marine Le Pen a un discours démagogue, elle ne séduit les travailleurs qu’avec un but électoral, et l’objectif des frontistes aujourd’hui c’est de gagner des strapontins au Parlement. Et je pense que c’est très dangereux de laisser arriver l’extrême-droite au pouvoir, surtout lorsqu’on voit la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui en Europe. Il faut qu’on fasse attention car nous sommes dans un moment où le discours de l’extrême-droite devient de plus en plus banalisé, naturalisé. Car l’extrême-droite est une arme pour la bourgeoisie face à la crise. Les frontistes sont les porteurs d’un discours contre les immigrés, qui cherche ã diviser les travailleurs. Ils veulent essayer de nous faire croire que tout ce qui nous arrive, c’est la faute des étrangers, et qu’il y aurait une solution « nationale ». Mais lorsqu’on voit l’exploitation qu’on subit tous les jours et la réponse des capitalistes face à la crise, c’est-à-dire les licenciements et les fermetures de boîtes, on pourrait dire qu’on est « tous des étrangers pour la bourgeoisie ! ». Qu’on soit Italiens, Turcs, Algériens ou Français, on est « des étrangers » pour la bourgeoisie : pour ce système capitaliste, c’est comme si on n’existait pas !

Notre force, c’est si on réussit ã unir les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, qu’ils puissent voter ou pas, puisque nous avons les mêmes intérêts, et que face à la crise, les capitalistes veulent tous nous faire payer la facture, et qu’on subit tous l’exploitation. Alors, quand je vois les partis traditionnels, qu’ils soient de gauche ou de droite, essayer de nous faire peur en nous montrant du doigt les Grecs et les Espagnols, en disant « est-ce que vous voulez devenir comme eux ? », je veux dire c’est eux les premiers responsables de la crise dans l’Etat espagnol et en Grèce, ça n’a jamais été les travailleurs ! Il faut aussi que les travailleurs soient solidaires, que ce soit au niveau national mais aussi au niveau international.

Effectivement, aujourd’hui on voit ce qui se passe en Europe, la crise capitaliste qui frappe les travailleurs et la jeunesse avec des taux de chômage qui ne cessent d’augmenter dans les pays d’Europe du Sud par exemple. Mais également dans des pays comme la France où plusieurs entreprises ont déjà annoncé des plans de licenciements et où on voit déjà des boîtes qui ferment… Qu’est-ce que tu voudrais dire ã tous ces travailleurs qui, ajourd’hui, se retrouvent face ã des patrons déterminés à licencier ou ã fermer des sites de production ?

Déjà pour ce qui est de la situation en Europe, c’est vrai qu’en France on n’est pas encore dans une situation comme celle du Portugal ou de la Grèce, mais je pense qu’on va y arriver très vite. Ces derniers temps, la situation a beaucoup tourné autour de l’élection présidentielle, il y avait un peu une impasse et beaucoup de gens espéraient que le changement de gouvernement par les urnes allait apporter des solutions. Mais maintenant que les présidentielles sont finies et que les législatives vont arriver très vite, on va commencer ã voir le vrai visage du Parti Socialiste, avec des plans d’austérité « de gauche », aussi catastrophiques pour les travailleurs que ceux de droite. Qu’ils soient appliqués par la droite ou par la gauche, il faut les condamner et se battre pour les contrer. Je pense qu’il faut mettre en place une alternative pour que les travailleurs puissent prendre en main leur destin, continuer à lutter et mettre en place partout des comités que ça soit dans les entreprises, sur les facs, dans les quartiers, afin de s’organiser. On doit mettre en place des nouvelles structures pour s’organiser, et lorsque les patrons ferment les boîtes ou licencient, on doit être préparés et mener une lutte pour imposer ã ce gouvernement l’expropriation par l’Etat de ces entreprises, sans indemnisation, et faire produire sous contrôle ouvrier, avec l’auto-organisation des travailleurs et pour la population.

Pour ce qui est de Philips-Dreux, où je travaillais, en 2010 on a mené une lutte contre la fermeture. On ne voulait pas de leurs indemnités, mais le maintien des emplois. On a essayé de mettre en place une alternative, celle du contrôle ouvrier et de l’auto-organisation, pour montrer que cette forme de lutte était possible, qu’on était capable de gérer la boîte et de produire par nous-mêmes sans les patrons, et surtout pour montrer que les licenciements et les fermetures de boîtes, et bien ce n’est une fatalité.

Je pense que notre expérience, même si elle s’est terminée par une défaite parce qu’il y a eu une trahison syndicale, elle peut avoir un certain écho dans une période de crise comme celle qu’on traverse aujourd’hui. Les travailleurs doivent montrer que c’est eux le pouvoir économique, que c’est eux qui font tourner les usines et produisent toutes les richesses, et donc qu’il faut se rapproprier de l’outil de production. Car au final, la seule solution de fond ã tous nos problèmes, c’est de mettre en place le contrôle des travailleurs dans les entreprises mais aussi dans la société. Il faut que les travailleurs prennent en charge leurs affaires eux-mêmes, s’ils veulent sortir de la crise dans laquelle ce capitalisme vorace nous a plongé, il faut donc qu’ils prennent le pouvoir.

20/05/12

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