Pussy Riots
Deux ans de prison contre les chanteuses de punk rock russes anti-Poutine
21/08/2012
par Celeste Murillo
Le 21 février les trois rockeuses russes du groupe Pussy Riot, Nadeshda Tolokonnikova, Marina Alyojina, et Ekaterina Samuzevich, ont chanté dans la principale cathédrale de Moscou. Elles voulaient dénoncer le rôle de l’Eglise orthodoxe en Russie ainsi que la réélection de Vladimir Poutine à la tête du pays. De façon parfaitement pacifique, elles ont demandé, dans leur « cantique punk », à la Vierge Marie de protéger la Russie de Poutine. Le happening des Pussy Riot avait lieu juste après une réélection de Poutine entachée de fraudes massives dénoncées dans la rue dans les principales viles du pays, notamment ã Moscou, et plus particulièrement par la jeunesse. Parallèlement, le gouvernement n’hésitait pas ã tout faire pour faire taire les manifestations et mettre au pas les contestataires et les opposants au régime.
Les Pussy Riot voulaient, par leur action, dénoncer la collusion entre l’Eglise orthodoxe et le régime, notamment entre Poutine et le patriarche russe, Vladimir Mikhailovich Gundyayev, qui n’a pas hésité ã appeler le président un « don de Dieu ». Gundyayev a été l’objet de nombreuses critiques dernièrement, notamment lorsqu’il a été photographié avec une montre de 40.000 dollars, symptôme de son style de vie fastueux, en décalage complet avec ce que vivent au quotidien les Russes. Poutine, de son côté, s’est gagné les bonnes grâces de l’Eglise orthodoxe en lui rendant une grande partie de ses propriétés qui lui avaient enlevées à la suite de la révolution de 1917. Ce n’est pas un hasard donc si, Gundyayev a déclaré dernièrement ã des journalistes que l’Eglise et l’Etat en Russie poursuivaient les mêmes intérêts moraux !
Le 17 août, la justice russe a rendue publique la sentence à l’encontre des Pussy Riot, poursuivies pour leur action de février. Les trois jeunes femmes ont été condamnées ã deux ans de prison pour vandalisme et incitation à la haine religieuse pour avoir chanter à l’intérieur d’une Eglise et y avoir exécuté des « danses diaboliques ». Les juges ont également rajouté que les rockeuses auraient « blessé les sentiments des croyants russes ».
La condamnation ã deux ans de prison n’a strictement rien ã voir avec une soi-disant offense aux sentiments religieux des croyants ou ã un quelconque manque de respect à leur égard comme ont voulu le faire croire les juges et procureur tout au long du procès. Le jugement qui a été rendu après ce procès politique est en fait le un brutal rappel à l’ordre pour les opposants au régime Poutine ainsi qu’à ceux et celles qui voudraient remettre en cause le pouvoir de l’Eglise orthodoxe en Russie. C’est ce que cherchait ã démontrer le gouvernement en jugeant les trois jeunes femmes et en les faisant comparaitre dans un box spécial, menottes au poignet, comme s’il s’agissait de dangereux criminels.
Le rendu du tribunal cherche ã renforcer la légitimité du régime, qui a été remise en cause par de nombreuses manifestations au cours des derniers mois. Le jugement ne fait qu’approfondir un peu plus les attaques du régime contre les libertés démocratiques. En faisant front commun avec une institution complètement réactionnaire comme le patriarcat orthodoxe de Russie, le gouvernement essaye également de se renforcer face aux manifestations qui n’ont pas complètement cessé, en dépit de leur caractère intermittent et très hétérogène.
En dehors du tribunal des centaines de militants ont fait entendre leur indignation à la lecture de la sentence. La manifestation a d’ailleurs fini par plusieurs arrestations à l’encontre d’activistes et de personnalités qui s’étaient solidarisés avec les Pussy Riot. Dans les principales villes du monde entier, des rassemblements ont été organisés également, avec l’appui d’organisations de défense des droits de l’homme, de partis politiques ou de personnalités du monde de la musique, alors que le cas Pussy Riot faisait la « une » des journaux.
Le même jour de la sentence contre les chanteuse, la Cours suprême russe a fait connaitre son rejet de l’appel présenté par l’avocat de la communauté LGBTI russe contre une sentence d’un tribunal moscovite qui avait interdit la tenue de la gay pride dans la ville pour les cent prochaines années (sic.). La justice russe a ratifié la décision du tribunal de Moscou et valide de cette façon l’orientation d’un gouvernement qui veut restreindre le plus possible la liberté d’expression et de manifestation.
Alors bien entendu, les déclarations indignées de Barack Obama ou des principaux dirigeants européens ne sont qu’une nouvelle preuve de leur cynisme complet et de leur volonté d’instrumentaliser la question des Pussy Riot afin de faire pression contre la Russie, en faveur de leurs intérêts géopolitiques et économiques. Ce sont ces mêmes dirigeants « occidentaux » qui dans leur propre pays rognent dès qu’ils peuvent les libertés démocratiques, en appliquant les lois « antiterroristes » contre la population étasunienne dans le cas d’Obama ou en condamnant à la clandestinité et à la peur d’être expulsés des millions de travailleurs en Europe, qui vivent et qui travaillent ici, au nom du fait qu’ils n’ont pas de « papiers ».
Ce ne sont pas les déclarations d’Obama et de ses comparses qui feront reculer la justice russe et Poutine, ni même l’appel aux organisations internationales. C’est la mobilisation indépendante des organisations féministes, de la jeunesse et du monde du travail qui pourra obtenir réellement l’arrêt des poursuites contre les Pussy Riot.