Contribution de la P4
Pour un NPA révolutionnaire, priorité à la lutte des classes !
06/11/2012
À ce stade, ce texte est une contribution à la discussion pour la préparation du congrès. Selon les discussions, il deviendra une plateforme intégrant les remarques et propositions reçues ou fusionnera avec d’autres textes allant dans le même sens. Nous persistons ã proposer ã toutes et tous les camarades partisan-e-s d’un NPA révolutionnaire de porter ensemble, sur la base de nos points d’accord et sans prétendre trancher toutes les divergences, une plateforme globale alternative ã celle de la direction sortante. À notre avis, ce sont les orientations floues de notre direction qui sont en grande partie responsables de l’échec du NPA, échec aggravé par la tentative d’éviter tout véritable bilan du NPA. Il est possible que ce congrès sorte le parti de la crise, ã condition de trancher un certain nombre de questions importantes. La direction sortante a laissé délibérément ces questions dans le flou depuis la fondation, puis au congrès de 2011, aux CN de 2011 et de 2012... et elle nous propose de continuer encore, comme si de rien n’était ! La GA a quant ã elle tranché un certain nombre de ces questions dans le sens de l’opportunisme, voire de la capitulation à l’égard du réformisme. Nous proposons de les trancher au contraire dans un sens révolutionnaire. Nous ne prétendons nullement qu’il soit possible de tout régler dès ce congrès ; mais nous sommes disponibles pour ouvrir sans conditions la discussion politique avec les autres courants, intégrant les textes programmatiques et les tests pratiques. Nous nous adressons en général ã toutes et tous les camarades qui veulent tourner la page de la confusion et avancer résolument vers le NPA révolutionnaire que la crise du capitalisme lui-même met à l’ordre du jour et qui ne se construira que dans la lutte de classes.
Afin de contribuer au mieux à la discussion politique, nous avons participé ã toutes les réunions de la commission d’écriture des textes. Nous avons ensuite rédigé une contribution en quatre parties reprenant le plan fixé par la commission d’écriture (I. Crise internationale, II. Europe, III. Situation France, IV. Projet et orientation du NPA). Durant le CPN élargi des 20-21 octobre, la commission sur la crise internationale et l’Europe a fait évoluer les textes de départ des autres camarades, intégré un certain nombre de nos amendements, et nous avons soutenu des fenêtres alternatives avec la P2. C’est pourquoi nous décidons de suspendre ã ce stade notre propre contribution initiale sur ces deux premières parties, en attendant de poursuivre l’élaboration sur le texte provisoire envoyé aux comités (dans la version comprenant les fenêtres que nous soutenons). Nous gardons des divergences avec ce texte, notamment sur la question du programme transitoire, qui dans sa version actuelle reste encore trop marqué par une logique confuse de « plan d’urgence ». Mais nous estimons qu’il est possible de poursuivre la discussion pour avancer sur ces questions. Nous verrons ensuite, au CPN du 8 décembre, s’il est nécessaire ou non de proposer au congrès des amendements, voire un texte alternatif. –En revanche, sur la situation en France, le projet et l’orientation du NPA, il n’a pas été possible de trouver de terrain de discussion avec les autres sensibilités, venues chacune avec son propre texte. Nous maintenons donc notre projet pour la discussion des comités.
La politique de Hollande-Ayrault s’annonce pire que celle de Sarkozy... car elle bénéficie du « soutien critique » des directions syndicales et du Front de gauche !
En France, l’aggravation de la crise conduit ã des dizaines de milliers de licenciements supplémentaires et ã une continuité essentielle entre la politique de Hollande et celle de Sarkozy, ã part la différence de style et quelques mesures progressistes qui ne coûtent pas d’argent comme le droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuel/les. Les entreprises françaises ne sont pas assez compétitives car les acquis sociaux, bien ébréchés ces dernières années, subsistent grâce à la résistance des travailleurs/ses et de la jeunesse depuis 1995 (bien plus qu’au Royaume-Uni depuis Thatcher et qu’en Allemagne depuis Schröder). C’est pourquoi, tout en laissant les patrons licencier ã tours de bras, la mission de Hollande-Ayrault se concentre sur deux points : 1) un « choc de compétitivité » qui s’attaque aux contrats de travail (remise en cause du CDI…) et à la Sécu (basculement de cotisations patronales vers la CSG…) ; 2) l’austérité, avec le non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois (hors Éducation nationale et police), la baisse des dépenses de fonctionnement, la stagnation du salaire des fonctionnaires… De ce point de vue, ce n’est pas une continuité avec Sarkozy, mais une nette aggravation qui nous attend ! À cela s’ajoute la chasse aux Roms, l’expulsion toujours aussi massive des personnes sans-papiers, la politique sécuritaire de Valls ou encore le gazage des manifestants devant le salon de l’auto le 9 octobre, qui montre que le gouvernement n’hésitera pas ã réprimer les conflits sociaux.
Sarkozy a fait passer beaucoup de contre-réformes, mais ni autant, ni aussi vite qu’il l’aurait voulu. Car les travailleurs ont résisté avec de grands mouvements (automne 2007, printemps 2009 et surtout automne 2010) et de nombreuses luttes partielles. Sarkozy a d’abord réussi ã associer les syndicats à l’élaboration de ses attaques, mais après la réforme des retraites les bureaucrates n’ont plus osé aller « négocier » avec lui aussi ouvertement qu’au début du quinquennat. La méthode autoritaire étant par ailleurs risquée, la droite s’est retrouvée en difficulté pour poursuivre les contre-réformes. De ce point de vue, l’alternance politique est du pain béni pour la bourgeoisie : les directions syndicales se sont plus que jamais engouffrées dans le « dialogue social » avec Hollande-Ayrault-Sapin et le patronat. Les meilleurs atouts du gouvernement, ce sont les Chérèque, Mailly et Thibault.
Sur le plan des organisations politiques, le Front de gauche joue le même rôle que ses alter ego syndicaux. Certes, le PC et le PG ne participent pas au gouvernement et la majorité absolue du PS leur a permis d’éviter le débat sur leur entrée dans la majorité parlementaire. Mais ils ne cessent de répéter qu’ils ne sont pas dans l’opposition ã ce gouvernement et lui apportent un « soutien critique », se démarquant sur le TSCG pour affirmer leur existence dans le paysage politique, mais votant pour le collectif budgétaire en juillet, pour les emplois d’avenir qui aggravent la précarisation des jeunes travailleurs/ses. Et surtout, PC et PG, comme les directions syndicales, refusent de mobiliser contre le gouvernement, notamment autour de l’échéance du 9 octobre dont s’étaient saisis (malgré le cadre pourri de cette « journée d’action ») des équipes syndicales combatives et des travailleurs/ses de l’industrie en lutte.
Le Front de gauche réformiste a certes regagné des forces, à la fois sur le terrain social, notamment ã travers les syndicats qu’il dirige, et sur le terrain politique (électoral, institutionnel et médiatique). Cela s’explique par plusieurs facteurs. Si l’on considère d’autres pays d’Europe, on constate que la crise a comme effet de renforcer le poids des réformistes, mais surtout sur le plan électoral : ceux et celles qui rompent avec le social-libéralisme voient en eux la réponse la plus facile car on leur promet de sortir de la crise en restant dans le cadre des institutions, avec une « autre politique ». Cependant, cette explication générale répétée à l’unisson par des camarades de la P1 et de la P2, ne suffit pas ã expliquer le succès du Front de gauche : la France se distingue des autres pays d’Europe par l’importance des luttes ces dernières années et par le poids militant et électoral de son extrême gauche. Or, de ce point de vue, il est évident que la reconstitution d’une force réformiste crédible aux yeux de toute une partie de l’avant-garde et des travailleurs/ses habitué-e-s aux luttes s’explique aussi par l’échec de l’extrême gauche ã proposer une politique plus convaincante. Le problème n’est pas celui du score électoral en lui-même, mais de l’incapacité ã transformer une forte sympathie envers les idées d’A. Laguiller, puis d’O.Besancenot, en un véritable courant politique. La crise de LO et du NPA (pour ne pas parler du POI), au-delà des différences entre les deux organisations, s’explique par l’incapacité de leurs directions ã proposer une politique à la fois réellement utile pour les luttes et claire sur le plan programmatique et stratégique. C’est donc sur ces questions que notre congrès doit avancer de façon décisive.
Cinq questions ã trancher pour refonder le NPA
La majorité actuelle voudrait imposer des limites à la discussion du Congrès en évitant un bilan de la crise que traverse le parti et en transformant en tabou toute discussion concernant le projet du parti. Elle prétend qu’une telle discussion serait nuisible car elle menacerait de « diviser » le parti. Le problème de cette démarche d’évitement des débats de fond est qu’elle n’a rien de nouveau : c’est précisément ce qui a été fait depuis la création du NPA et, au lieu d’éviter les crises et divisions, cela les a aggravées. Cette façon de faire a dépolitisé les discussions sans empêcher que les divergences ressortent sous la forme de débats tactiques électoraux et de luttes fractionnelles souvent incompréhensibles par les militant-e-s du parti. Pour nous, tout au contraire, le parti ne peut sortir que renforcer de vraies discussions de fond auxquelles participent toutes et tous les camarades, toutes les tendances et sensibilités, avec sur les différents points des majorités et des minorités claires.
Sans prétendre faire ici un bilan global du NPA depuis sa fondation, il nous semble néanmoins indispensable de partir d’un certain nombre de constats sur ce qui n’a pas marché pour pouvoir discuter de façon concrète de la nécessaire refondation du parti. Prétendre sortir de la crise en se contentant d’un « copier-coller » de citations des « Principes fondateurs », comme le fait la direction sortant, relève d’un aveuglement irresponsable et revient ã en faire un dogme que l’on ne pourrait pas soumettre aux épreuves de la réalité.
• Le premier constat est que les délimitations stratégiques dont s’était doté le NPA lors de sa fondation se sont révélées insuffisantes dans la mesure où elles cachaient des projets politiques différents. Le départ d’une fraction du parti vers le Front de Gauche en est le symptôme le plus clair.
• Le deuxième est que le NPA n’a pas été en mesure de jouer un rôle significatif dans les échéances de la lutte de classes telles qu’elles se sont présentées. Lors de la plus importante, la bataille des retraites, nous nous sommes beaucoup dépensé-e-s, mais force est de constater que nous n’avons été capables ni de peser un minimum sur le cours de la lutte, ni de gagner au parti les travailleurs/ses et les jeunes les plus radicalisé-e-s.
• Enfin, le troisième constat, c’est que nous avons été plus généralement incapables d’entraîner vers nos idées, au-delà de la dynamique du processus constituant, des jeunes générations qui pourtant sont souvent à la recherche d’une perspective politique et militante face à la crise du système capitaliste.
Or ces faiblesses importantes ont un rapport évident avec celles du projet initial. L’idée d’un parti sans délimitations stratégiques fortes et sans priorité d’implantation dans la classe ouvrière s’est heurtée ã ses propres limites. Il n’y aura pas de sortie de crise pour le NPA sans discussions de fond. C’est pourquoi ce congrès doit être l’occasion d’ouvrir le débat sur un certain nombre de clarifications indispensables pour notre stratégie, notre programme et notre activité pratique. Nous ne prétendons pas encore une fois que le congrès pourra résoudre l’ensemble des problèmes ou qu’une synthèse sur toutes les questions soit possible dans l’immédiat. Mais nous sommes convaincus qu’il est possible de franchir un pas décisif vers la sortie de crise, de relancer notre parti, en menant sans tabous la discussion politique de fond et en intervenant ensemble dans la lutte des classes. C’est pourquoi nous proposons que le congrès se prononce clairement sur cinq questions qui font l’objet, depuis la fondation et de façon régulière, d’interrogations largement partagées et de discussions réelles.
NB : ces propositions n’abordent pas les questions de fonctionnement du parti, là encore par souci de nous inscrire dans le cadre des décisions de la commission d’écriture concernant l’ordre du jour du congrès. Nous partageons cependant l’idée que ces questions sont de la plus haute importance tant comme facteurs de la crise du NPA que comme questions elles-mêmes politiques révélatrices du projet que nous portons. Nous y reviendrons spécifiquement sous une forme qui dépendra des discussions menées dans les comités jusqu’au CPN du 8décembre.
1) Construire un NPA ouvertement révolutionnaire
Être anticapitaliste, est-ce forcément être révolutionnaire ? La question doit être clarifiée. La formule négative d’« anticapitalisme » est source de nombreuses ambiguïtés. Les réformistes la reprennent parfois, notamment depuis la fondation du NPA, en lui donnant alors le sens d’être hostiles au capitalisme, de vouloir taxer les capitalistes, voire de rêver de s’en débarrasser un jour, mais après de nombreuses victoires électorales et une longue phase d’intervention dans les institutions –avec bien sûr aussi des mobilisations pour pousser... Par ailleurs, l’argumentation par laquelle la GA a justifié son choix de rejoindre le FdG a montré qu’il y avait dans notre propre parti une immense confusion sur le périmètre de l’« anticapitalisme », intégrant pour certains l’« anti-libéralisme »,etc.
Selon nous, seul le programme révolutionnaire est réellement anticapitaliste. Il s’agit d’en finir avec le système capitaliste et cela passera nécessairement par une révolution. Celle-ci est un processus, une transformation révolutionnaire de la société, de la production et de la division du travail, de tous les rapports sociaux, mais elle passe par des mesures transitoires : l’annulation de la dette, l’expropriation des capitalistes, le contrôle des flux commerciaux, la suppression des marchés financiers, le monopole socialisé du crédit, la création d’une monnaie inconvertible, l’extension internationaliste... Tout ceci implique la prise du pouvoir par les travailleurs/ses ã tous les niveaux de la société et par conséquent la destruction de l’Etat bourgeois ne pourra ni être réformé, ni même servir de point d’appui pour développer les mobilisations dans un sens révolutionnaire. Toute l’histoire de notre classe au XXe siècle est là pour en témoigner. Assumer le NPA comme un parti révolutionnaire, c’est revendiquer ces mesures et ces objectifs et les opposer clairement ã ceux des réformistes (quelle que soit la forme de l’expression) pour en convaincre les travailleurs/ses et les jeunes.
C’est aussi revendiquer haut et fort le projet d’une société égalitaire et émancipatrice, débarrassée de toute exploitation et toute oppression, permettant ã chacun-e de participer aux décisions, réalisant l’épanouissement de tou-te-s. Car les travailleur/ses ont besoin, pour se battre de façon radicale ici et maintenant, d’être animé-e-s par la conviction que ce système monstrueux peut être abattu et remplacé par un autre. Il ne s’agit pas d’utopies : les révolutions du passé, la libération de la parole et de l’action par la démocratie ouvrière dans le cadre des luttes auto-organisées, celle des usines autogérées, etc., sont autant d’expériences réelles qui préfigurent ce qu’il est possible de faire pour transformer la réalité.
2) Pour un parti de la classe ouvrière : donner la priorité à la lutte des classes, implanter le parti dans les secteurs stratégiques
Vouloir construire le parti en priorité dans la « classe ouvrière », est-ce être « ouvriériste » ? Est-ce considérer comme secondaires les questions démocratiques, anti-racistes, féministes, écologistes ? Si nous pensons que le NPA doit s’implanter en priorité dans les secteurs stratégiques (grandes usines, transports, énergie, communications, banques...), c’est par réalisme : les travailleurs/ses de ces secteurs ont le plus de pouvoir pour bloquer la production, frapper les patrons au portefeuille et, demain, impulser la réorganisation de l’économie. Il faut donc se donner, comme parti, des priorités d’implantation et d’intervention (même de l’extérieur). Cela ne signifie en aucun cas qu’il ne faille pas organiser et mobiliser aussi les travailleurs/ses des petites entreprises, de la santé, de l’éducation, etc. : il est décisif également de s’implanter là où l’on travaille et les comités de branche gagneraient de ce point de vue ã être généralisés dans la mesure du possible. De façon générale, il faut se construire dans la classe ouvrière car nous ne voulons pas simplement être le parti des luttes et des mouvements sociaux, mais nous pensons que les travailleurs sont la seule force capable d’articuler les revendications sociales et démocratiques, d’entraîner avec eux l’ensemble des opprimé-e-s et des exploité-e-s, dans l’affrontement contre la bourgeoisie.
Nous devons intervenir aussi bien sûr dans les syndicats là où ils existent, contribuer à les construire là où ce n’est pas le cas, mais aussi structurer un courant lutte des classes antibureaucratique en leur sein. En effet, nous connaissons le rôle des directions syndicales dans la collaboration avec le patronat et le gouvernement, surtout quand celui-ci est de gauche. Cela s’explique par leur ralliement à l’horizon indépassable du capitalisme. De plus, elles usent souvent de méthodes bureaucratiques. Enfin, bien des dirigeants syndicaux sont directement dépendants des entreprises ou de l’État, quand ils ne sont pas carrément corrompus. C’est pourquoi nous devons combattre dans les syndicats pour un courant lutte des classes antibureaucratique, qui ne regrouperait pas seulement les camarades du NPA, mais toutes celles et ceux qui veulent construire des syndicats pour lutter et non pour « dialoguer » avec l’ennemi de classe. C’est aussi cette force qui a manqué au moment du mouvement de l’automne 2010, capable de combiner la mobilisation, les exigences à l’égard des confédérations et leur dénonciation au moment où elles faisaient tout pour éviter un mouvement prolongé et la grève générale, en privilégiant les journées saute-mouton. Ce courant lutte des classes antibureaucratique serait le meilleur instrument pour développer parallèlement les tendances à l’auto-organisation, sur la base de comités de lutte dans les ateliers, les bureaux, les services, où syndiqué-e-s et non syndiqué-e-s, CDI, CDD et précaires pourraient se retrouver afin de prendre en main leurs luttes et de se radicaliser.
S’implanter en priorité dans le prolétariat ne signifie pas qu’on ne doive parler que des questions de l’emploi et des salaires, moins encore qu’on doive tomber dans le parasyndicalisme ! Au contraire, le parti a comme tâche de discuter avec les prolétaires de propositions sur l’ensemble des questions qui se posent dans la société et qui montrent l’exploitation, l’oppression, la nécessité de la renverser... C’est tout particulièrement le cas du racisme, du sexisme et de l’homophobie, qui sont à la fois intolérables en eux-mêmes et sources de division de la classe ouvrière ; de ce point de vue, la dénonciation de l’extrême droite et, dès que nécessaire, l’auto-défense contre ses attaques, dans l’unité des organisations du mouvement ouvrier, doivent être des préoccupations constantes. Il en va de même des ravages écologiques, qui abîment immédiatement la santé des travailleurs, préparent des désastres sociaux et humains considérables, mais sont aussi de formidables vecteurs de mobilisation ; il est très important que dans son expression régulière, notre parti s’attelle ã faire le lien entre luttes sociales et écologiques, en réfléchissant ã des mots d’ordre permettant de les articuler (ce titre, nos propositions de réorientation de l’outil industriel du nucléaire vers le renouvelable peuvent servir d’exemple).
3) Articuler les revendications à l’objectif central du gouvernement des travailleurs et du renversement du système
Le « gouvernement des travailleurs », est-ce une marotte de gauchistes ? Les discussions ã ce sujet montrent que, pour certain-e-s camarades, il s’agit d’un objectif lointain et qu’on pourrait en attendant se battre pour un bon gouvernement de gauche ou un gouvernement anti-austérité, comme celui que défend Syriza en Grèce. Cette pente est dangereuse et a pu conduire dans un passé récent ã soutenir le gouvernement de Lula au Brésil ou de Prodi en Italie. Pour nous, le gouvernement des travailleurs pourra certes avoir des formes diverses (gouvernement issu d’un comité central de la grève générale, gouvernement élu par les « communes », des « conseils » ou des « AG » fédérés au niveau national, gouvernement d’organisations du mouvement ouvrier s’appuyant sur les luttes et prenant les premières mesures révolutionnaires d’expropriation des capitalistes et de construction d’une démocratie ouvrière, etc.) ; mais dans notre propagande actuelle il s’agit de montrer, par cette formulation, que les travailleurs/ses ne peuvent compter que sur leurs propres forces, sur leur auto-organisation et leurs organisations s’ils/elles les contrôlent, se battre pour le pouvoir politique et rompre avec les institutions bourgeoises. Nous proposons d’articuler systématiquement le programme des revendications actuelles de la classe ouvrière et des mesures transitoires que nous proposons avec cet objectif afin de ne pas laisser croire qu’il serait possible de les réaliser globalement et durablement dans le cadre du système et de l’État bourgeois.
De ce point de vue, il faut en finir avec l’ambiguïté du mot d’ordre « interdiction des licenciements ». Le NPA a fortement contribué ã populariser le mot d’ordre. Mais, alors que les travailleur/ses nous interrogent, nous n’avons jamais tranché la question de savoir comment expliquer la façon d’y parvenir. Notre mot d’ordre manque dès lors de crédibilitépolitique. Or O. Besancenot tranche le problème en répétant sans cesse dans les médias (sans mandat en ce sens !) qu’il faudrait une « loi » pour « interdire les licenciements », et en demandant ã Hollande de la faire (tandis que les député-e-s FdG proposent une loi pour « interdire les licenciements boursiers »)... Pourtant, jamais un gouvernement bourgeois n’interdira les licenciements en général ! En disant cela, on ne fait donc que semer la confusion. Il faut se battre concrètement contre les plans de licenciements (zéro licenciement, non aux fermetures, nationalisation ou socialisation sans indemnités et sous contrôle des travailleurs des groupes qui licencient, etc.) et avancer l’interdiction des licenciements comme la mesure que prendrait un gouvernement des travailleurs, seul ã même de rompre avec le capitalisme en collectivisant les entreprises (et en permettant la reconversion de celles qui polluent, sont dangereuses ou produisent des choses inutiles ou nocives).
4) Clarifier la question de l’« unité »
Une des discussions qui ont le plus agité le parti a été celle de l’alliance ou non avec le FdG et plus généralement des rapports avec lui. Cette discussion a concerné à la fois les échéances électorales et les mobilisations. Pour la GA, il fallait s’allier avec le FdG dans les élections. Pour d’autres, il ne le fallait pas, mais il s’agirait de constituer un « front politique » avec lui, un « front avec le front ». La formule d’« opposition de gauche » au gouvernement Hollande est ambiguë car elle laisse ouverte ces possibilités. Il est donc important de clarifier une bonne fois, afin que le parti ne soit pas de nouveau paralysé et/ou divisé aux prochaines élections, mais surtout dans les luttes immédiates. L’unité de notre classe doit être systématiquement recherchée à la fois pour combattre les divisions entretenues par le capitalisme (concurrence, hiérarchies, sexisme, racisme...) et pour être efficaces dans les luttes. Mais cela ne justifie en aucun cas qu’on renonce à l’indépendance politique, c’est-à-dire ã défendre publiquement ses propres idées. Le principe nous semble assez clairement énoncé dans la formule fameuse du « front unique ouvrier » : « marcher séparément, frapper ensemble ».
Cela signifie ã notre avis qu’on ne fait pas d’accords programmatiques avec les réformistes. Autrement dit, on ne se lie pas ã eux sur des engagements qui impliquent une acceptation même partielle de leurs positions réformistes. De ce point de vue, il n’y a aucune raison de signer leurs appels s’ils contiennent de telles positions ! L’unité de la classe ne se réalise pas sur des appels ; en revanche, ceux-ci peuvent entretenir la confusion politique : il ne faut signer d’appels unitaires que s’ils ne contiennent rien de contradictoire avec notre programme ; si celui-ci est révolutionnaire (par exemple pour rompre avec l’UE et construire une Europe socialiste), les éléments typiques d’un programme réformiste (par exemple la revendication de sauver l’euro et de construire une « Europe sociale », « solidaire », « citoyenne », etc.) sont incompatibles. Pour réaliser l’unité, il faut tout simplement agir ensemble pour des revendications communes claires, par des grèves, des manifestations, y compris dans certains cas des collectifs unitaires, ã condition qu’ils ne soient pas des coquilles vides d’appareils, mais servent réellement ã mobiliser les travailleurs/ses. Et, quand l’unité n’est pas possible, cela ne doit pas nous empêcher d’agir avec les travailleurs/ses et de prendre des initiatives.
5) Être plus concrètement internationalistes et anti-impérialistes.
En général, le parti affiche son soutien aux luttes dans le monde, mais nous prenons rarement des initiatives de solidarité pratiques. Le sentiment d’avoir peu de prise sur les événements d’autres pays est compréhensible, mais l’intérêt de mobiliser les travailleurs/ses et la jeunesse sur ces questions, même ã une échelle limitée, est important si nous voulons forger des militant-e-s internationalistes capables de résister à la pression chauvine, d’aider les travailleurs/es ã dépasser les divisions racistes, etc.
En particulier, militant dans un pays impérialiste, nous devons être au premier rang de la dénonciation de « notre » propre État, la France, qui continue ã contrôler de véritables possessions coloniales, notamment aux Antilles, en Kanaky ou ã La Réunion, qui intervient militairement ou entretient des bases permanentes à l’étranger, notamment en Afrique, en lien avec une politique néo-coloniale. C’est le cas tout particulièrement dans les pays du Maghreb et du Machrek : la France reste la principale tutelle de la Tunisie, elle a joué un rôle décisif dans le bombardement de la Libye et la canalisation du soulèvement vers le CNT (Conseil national de Transition), instrument de la recolonisation impérialiste, et elle reste le fer de lance d’une intervention discrète mais efficace en Syrie auprès du CNS et des groupes qui s’en réclament, agents de l’impérialisme au sein du soulèvement populaire contre Assad. Notre soutien complet ã ce soulèvement et nos efforts pour mobiliser les travailleurs/ses et le mouvement ouvrier ne doivent pas justifier un quelconque renoncement ã notre combat anti-impérialiste ou sa négligence. Le gouvernement français et les autres gouvernements bourgeois n’apportent et n’apporteront aucun soutien aux processus révolutionnaires comme tels et leurs interventions hypocrites ne servent qu’à prendre le contrôle des soulèvements pour mieux les contrôler, voire les briser quand c’est nécessaire pour leurs intérêts.
Enfin, tout recul ou avancée de l’impérialisme en général et du « nôtre » en particulier modifie en dernière instance les rapports de forces internes au niveau hexagonal. C’est la raison pour laquelle nous ne serons jamais dans le camp de « la république » et que nous nous situons résolument aux côtés des peuples et des forces se réclamant de l’anti-impérialisme qui entament et remettent en cause la mainmise de l’impérialisme français, sans pour autant renoncer ã notre programme et notre orientation.